Elle recycle les coquilles Saint-Jacques – Maëlis De Witte de BinHappy

Maëlis De Witte a installé près du Havre son entreprise BinHappy. Spécialisée dans le tri et la collecte de biodéchets, elle travaille déjà avec les restaurants normands et les cantines. Les déchets récoltés sont transformés en énergie (biogaz). Son nouveau projet JackLab a remporté le premier prix du concours Normandy4Good en 2021 et est lauréat du Challenge innovation océan & environnement organisé par la French Tech Le Havre Normandy, La French Tech Martinique et la Transat Jacques Vabre Normandie – Le Havre. Il propose de développer une machine permettant de valoriser les coquilles Saint-Jacques. En séparant le reste de chaire animale de la coquille, cela donne la possibilité de recycler ces deux éléments. Une innovation qui symbolise bien l’état d’esprit de Maëlis. Dans ce portrait, découvrez son parcours, ses premières réussites et ses grands projets pour l’avenir.

Maëlis De Witte - Audacieux Normands
© Maëlis De Witte

BinHappy, une histoire de mamans

Pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

M.D.W. : Je suis Maëlis, j’ai 36 ans et je suis la maman de 4 enfants. Je suis havraise de naissance. J’ai une formation d’infirmière. J’ai travaillé plusieurs années dans une clinique privée. J’ai toujours ressenti l’envie d’entreprendre dans un projet qui a du sens.

Comment vous êtes-vous lancée dans ce projet ? Quel a été votre déclic ?

M.D.W. : Je travaillais dans une clinique privée à but lucratif. Proche de la direction, je n’étais pas en accord notamment avec les méthodes de management. Je me suis dit que si je restais, c’était que je cautionnais. J’ai préféré tout quitter.

Épouse, maman, je me suis dit que j’avais aussi le droit de vivre mes envies. Parallèlement et personnellement, j’ai pris un virage écologique. Avec ma famille, nous avons décidé de faire attention à notre mode de vie. À ce moment, mon envie de me lancer dans un projet s’orientait plutôt sur le volet social.

Et puis, j’ai rencontré Ophélie. Nos enfants allaient à la même école. À cette époque, nous les emmenions tous les deux dans des vélos « cargo ». C’est ce qui a fait que nous avons commencé à discuter. Elle avait eu vent de l’idée lors d’une conférence du LH Forum 2015. L’idée a muri dans sa tête. Effectivement, en Normandie, il n’existait pas de solution de collecte des biodéchets pour les professionnels. Son projet m’a plu. On s’est lancées toutes les deux en 2017.

Quelles valeurs animent ce projet ?

M.D.W. : Se lancer dans cette aventure, c’était pour moi l’occasion d’avoir la possibilité de prendre le pouvoir. J’étais conquise par l’idée que pour faire bouger les choses sur le volet écologique, il fallait entreprendre.

Le projet tourne autour d’une part de valeurs humaines fortes. À la fois dans le management, j’ai souhaité mettre l’humain au cœur de l’entreprise. Cela fait partie de l’ADN de BinHappy. D’autre part, mon parcours atypique me pousse à donner la chance à des personnes qui ne rentrent pas forcément dans les cases. Ces valeurs humaines sont prépondérantes dans le recrutement de nos collaborateurs.

BinHappy s’est fondé sur des valeurs écologiques et environnementales. Nous adorons les faire découvrir à des personnes extérieures (collaborateurs, prestataires, clients). Nous les embarquons avec nous. Cette philosophie est présente dans notre quotidien. Nos mobiliers sont de seconde main, les ordinateurs sont reconditionnés par exemple. Dans notre activité, on se permet de choisir les personnes avec qui on travaille.

La valeur la plus importante, c’est l’équilibre. Il est primordial dans une relation (avec les fournisseurs, les clients, les salariés). Je milite aussi pour un équilibre vie professionnelle, vie personnelle pour mes salariés. J’accompagne mes collaborateurs dans ce sens.

Si j’ai co-fondé BinHappy, c’est pour être droite dans mes bottes. Je veux dire à mes enfants que j’ai tout fait pour défendre leur environnement.

Quelles difficultés avez-vous rencontrées dans votre projet ? Comment avez-vous réussi à les dépasser ?

M.D.W. : Sans hésiter, je pense à l’année 2020. Cela a été difficile car mon associée a souhaité arrêter l’aventure juste avant le confinement. Dans le même temps, avec la Covid, le chiffre d’affaires de l’entreprise est retombé à zéro. Tout était fermé.

Je venais d’avoir un quatrième enfant, je me suis posé beaucoup de questions. Ce fut une période très compliquée (l’école à la maison et le contexte très incertain). Au fond de moi, je me disais qu’on allait s’en sortir.  

À cette époque on avait deux salariés. Je ne pouvais pas les laisser tomber. Je me suis écoutée, je me suis fait confiance et j’ai eu l’envie de prendre le risque. J’ai racheté les parts d’Ophélie et je suis devenue propriétaire à 100% de l’entreprise. Dans la continuité, nous avons été lauréats du Réseau Entreprendre Normandie. Cet accompagnement m’a beaucoup aidée durant cette période. Me retrouver seule, m’a redonné des ailes et m’a donné envie d’être à fond.

Je me suis toujours dit que BinHappy ce n’était pas mon bébé, j’en ai déjà 4 à la maison. Si cela doit s’arrêter, ce n’est pas grave.  Cela m’a permis d’évacuer une partie de la pression et de prendre confiance.  Aujourd’hui, nous sommes neuf salariés, bientôt dix.

Quelles personnes ont influencé votre parcours ?

M.D.W. :  La personne qui m’a permis d’avoir cette prise de conscience écologique, c’est Cyril Dion et son film Demain. Dans mon parcours, je n’ai pas eu une éducation évidente. Je n’étais « qu’une fille ». J’ai toujours dû prouver. J’aime beaucoup la formule qui dit quand quelqu’un vous dit que quelque chose est impossible, rappelez-vous qu’il parle de ses limites, pas des vôtres. Mon éducation m’a forcée à croire en moi et à aller toujours droit devant.

Maëlis De Witte « je dis souvent qu’il n’y a pas de bons moments » 

Aujourd’hui, comment se passent vos journées ?

M.D.W. : Elles sont bien denses. Elles manquent de quelques heures. J’aime être très tôt au bureau pour avancer efficacement. Je n’ai pas de journée type. Avec l’équipe de BinHappy, on travaille beaucoup en collaboratif. Je me déplace parfois pour des rendez-vous. Puis, une deuxième journée commence à la maison avec mes enfants. J’ai envie d’assumer car ils ne doivent pas subir la non-présence d’une maman entrepreneure.

Quelle a été votre plus grosse réussite ?

M.D.W. : Le fait de voir grandir l’entreprise, c’est une super réussite. La réussite est globale. Nous sommes passés d’un bungalow de 9m² à des locaux de 300m². La création de huit emplois, c’est aussi une fierté.

Quelle est votre définition de l’audace ?

M.D.W. : Il faut croire en soi, oser y aller, se faire confiance.

Quels sont vos prochains projets ? Comment vous voyez-vous dans les prochaines années ?

M.D.W. : Nous avons pour ambition d’être un acteur incontournable en Normandie. Pour cela, nous aimerions nous diversifier. Le projet Jacklab en est une preuve. La phase pilote sera opérationnelle en octobre prochain. Nous sommes également en train de créer un centre de formation pour accompagner nos clients. Cela va permettre de professionnaliser nos savoir-faire.

À partir du 1er janvier 2024, le tri à la source pour tous sera effectif. Cela a déjà un impact sur notre activité car les collectivités sont à la recherche de solutions à proposer aux ménages normands. Nous allons continuer de pérenniser l’activité avant de partir à la conquête de la Normandie.

Un conseil pour les audacieux normands ?

M.D.W. : Je dis souvent qu’il n’y a pas de bons moments. Inconsciemment, on se dit souvent que ce n’est pas le bon moment. En réalité, ce ne sera jamais le bon moment. Dans mon cas, j’ai dû quitter mon CDI alors que j’avais des enfants en bas âge. Il y aura toujours quelque chose qui peut nous empêcher de nous lancer. On se fixe très souvent nos propres limites. Alors, faites-vous confiance et lancez-vous.


Depuis 2021, la Caisse d’Epargne Normandie est à l’initiative de l’appel à projets Normandy4Good en partenariat avec le MoHo à Caen, la Région Normandie, Normandie Attractivité, Caen La Mer, le CJD, l’ADRESS Normandie ou encore l’AD Normandie. Ce prix de l’innovation à impact a été créé pour encourager les initiatives et aider les entreprises normandes ou les porteurs de projets d’entreprises en Normandie. Comme BinHappy en 2021, plusieurs entreprises normandes à impact positif ont reçu un accompagnement personnalisé de la Caisse d’Epargne Normandie.

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