Mathilde Milot, du tricot collaboratif et impressionniste

Connaissez-vous le « Yarn bombing » ou encore le street-art en tricot ?  Mathilde Milot et son association « Citémômes » revisitent l’impressionnisme à travers des projets participatifs, intergénérationnels et surtout très contemporains. Après avoir notamment réalisé une œuvre de Claude Monet en carrés de tricot qui a fait le tour du Monde, la rouennaise prépare un nouveau défi participatif. Dans cette interview, Mathilde Milot revient sur ses réussites et nous partage ses conseils pour organiser des projets participatifs. 

Mathilde Milot_Audacieux_Normands
©Florence Brochoire

Un tableau de Monet en tricot fait le buzz à New York

Comment vous êtes-vous lancée dans votre projet associatif ? 

M.M. : J’ai lancé l’association « Citémômes » en 2007 à la fin de mes études universitaires dans le domaine culturel. A défaut de trouver un emploi, j’ai eu l’idée de créer cette activité associative comme un laboratoire. Avec cette méthode agile, j’ai pu faire des tests permanents et avoir une liberté dans le choix de mes projets.

Devenue directrice en 2011, j’ai développé une offre d’ateliers de découverte et de création autour de la récupération des matières premières (upcycling) avec une finalité artistique.

Après un début d’activité prometteur, l’année 2014 était un peu creuse. C’est à ce moment que j’ai proposé à ma grand-mère de venir à l’association faire du tricot. L’objectif était d’être avec elle, qu’elle puisse voir du monde et ne pas se sentir seule. Ce prétexte personnel a lancé cette nouvelle activité : des ateliers de tricot. Peu de temps après, des étudiants de l’Université de Rouen m’ont contactée pour un projet de « Yarn bombing » (du tricot graffiti). Je me suis rendue compte rapidement que le tricot est une activité qui créé du lien et parle à toutes les générations.

Comment se lance-t-on dans un tel défi ? Quel a été votre déclic ?

Le côté défi est dans mon ADN ! Depuis petite, je fais du sport. L’attrait de la compétition et le fait de réussir ensemble m’ont toujours plu. La force du collectif est essentielle et je l’ai retrouvée dans le projet « Tricote un Sourire ». Nous avons eu la volonté de faire comprendre que chaque petit geste peut devenir grand. 

Ce projet a débuté en 2015. Lors d’un échange avec les responsables de l’appel à projets du Festival Normandie Impressionniste, j’ai lancé l’idée, en rigolant, de faire un portrait en tricot. Sans vraiment y croire, cette blague est devenue un projet. Le concept participatif « Ensemble nous sommes Monet » est né. 

Pourquoi Monet ? Il était important de trouver un peintre symbolique. Claude Monet est très présent à Rouen et il a une image universelle. Ce projet est arrivé au moment de la réunification de la Normandie et sa vocation à fédérer. Parler d’impressionnisme et du patrimoine textile normand, c’est cela qui a tout de suite plu aux normands. 

Nous avons reçu 114 000 carrés grâce à des boites de collecte présentes dans les musées, les bibliothèques ou les EPHAD.  Ce fut un vrai succès car pour réaliser l’œuvre, il nous fallait 10 000 carrés de tricot. Le surplus nous a permis de faire d’autres projets et d’alimenter notre banque à carrés.  Il a fallu organiser plus de 80 ateliers dans les 5 départements normands pour concevoir l’œuvre : « Suzanne » de Claude Monet, inspirée de la Femme à l’ombrelle tournée vers la gauche.

Une fois terminé, le tableau a été exposé devant la cathédrale de Rouen. Le Festival Normandie Impressionniste a publié une photographie qui a fait le buzz sur les réseaux sociaux. 

En quelques jours, la photo a fait le tour du monde (du Brésil à la Russie en passant par le Sénégal ou encore les Etats-Unis) jusqu’à la rédactrice en chef de Vogue Knitting. En découvrant le projet, elle a demandé à ses équipes de nous retrouver et nous inviter au prestigieux salon de la marque à New-York. Lors de notre voyage, l’AFP a publié une dépêche pour l’occasion. Les plus grands quotidiens français ont relayé notre projet. Cela nous a donné encore plus de visibilité et nous avons reçu des demandes d’un peu partout dans le monde.

Quelles difficultés avez-vous rencontrées dans votre projet ? Comment avez-vous réussi à les dépasser ?

M.M. :  Sur l’aventure « Ensemble nous sommes Monet », il y a plus de bonnes surprises que de freins. La folie du projet a porté tout le monde. Ce sont près de 8000 personnes que j’ai pu rencontrer lors de cette aventure. L’énergie de toutes ces personnes pendant ces 6 mois a été formidable.

Par contre l’après projet a été compliqué. La fatigue accumulée, les questions d’assurance de l’œuvre, le grand nombre de sollicitations ont posé des questions. J’ai souvenir de la prise de décision de prendre sur les fonds propres de l’association le coût élevé du convoi de l’œuvre jusqu’à New York. C’était un pari, une prise de risque mais qui a porté ses fruits car cela a permis de faire découvrir le projet à grande échelle. Une nouvelle dynamique s’est lancée et nous sommes retournés à plusieurs reprises à New York depuis.

Comment vivez-vous de ce projet ?

M.M. : Avec ce projet et son caractère singulier, on a créé une signature pour l’association. Notre modèle économique s’est construit en plusieurs étapes. Aujourd’hui, les ateliers et l’ingénierie culturelle nous permettent de consolider l’activité de l’association.

Le projet est un coup de projecteur pour notre association qui est quasiment en autofinancement. Cela conforte notre choix d’une activité engagée autour de l’art, la « récup’ » et les projets collectifs. 

Mathilde Milot « j’aime cette vision de maîtrise de la destinée et la fait de pouvoir atteindre ses rêves »

Avez-vous un secret ? Quel est votre leitmotiv ou une citation qui vous inspire ?

M.M. : J’aime beaucoup la citation de Jean-Paul Sartre qui dit que « chaque homme doit inventer son chemin ». Celle-ci me touche pour deux raisons. La première est que j’aime cette vision de maîtrise de la destinée et le fait de pouvoir atteindre ses rêves. La seconde est plus personnelle car cela me rappelle mon grand-père. Il a eu la chance de rencontrer Jean-Paul Sartre au cours de sa vie. Ces valeurs, il me les a inculquées et transmises depuis toute petite. 

Quelle a été votre plus grosse réussite ?

M.M. : J’ai en mémoire deux moments forts. Le premier est le jour où nous avons mis en place l’œuvre « Suzanne » de Claude Monet, devant la Cathédrale de Rouen. J’ai eu la chance de la dévoiler devant mes deux grands-mères. Ce fut un moment très fort émotionnellement.

Le second, c’est bien évidemment le premier voyage à New-York. J’envoyais tous les jours des photos sur internet à ma grand-mère pour la faire voyager avec moi. En réalité, cela a rendu encore plus fort notre relation et laissé des souvenirs uniques. Aujourd’hui, même si elle n’est plus parmi nous, elle continue de m’accompagner grâce à ce projet.

Quels sont vos prochains défis ?

M.M. : Le dernier projet lancé est celui en collaboration avec le MoHo de Caen. Cela s’est fait assez naturellement. Ce nouveau lieu « à impact positif » à Caen signifie Mosaïc House et nous, de notre côté, nous réalisons des mosaïques de tricot. 

Notre équipe s’est donc associée au MoHo à l’occasion de l’ouverture de ce lieu et de sa campagne de crowdfunding dédiée aux projets de la jeune génération.  Les valeurs du collectif, du faire ensemble, de la diversité et du rêve sans limite :  ce sont des piliers essentiels que nous partageons avec le MoHo. 

Nous travaillons sur la confection du drapeau du Moho. Chaque carré de tricot représente une personne participant à la campagne de crowdfunding. Ce projet, c’est soutenir la génération de demain et ce drapeau permettra de se souvenir de la levée de fonds et de chaque participant. 

Et cet été, nous sommes très heureux de présenter l’ensemble de nos œuvres du projet « Ensemble nous sommes Monet » à l’orangerie du Jardin des Plantes de Rouen. Nous y dévoilerons notre nouveau projet, à cette occasion, où chacun pourra commencer à y participer !

Quelle est votre définition de l’audace ?

M.M. : C’est de prendre des risques avec le sourire. Je pense que c’est oser aller vers l’inconnu en étant ouvert d’esprit. Il faut se lancer dans des aventures sans savoir forcement où l’on va. L’audace a une certaine agilité. Elle permet d’ouvrir son champ des possibles. 

Auriez-vous un conseil pour les audacieux normands ?

M.M. :  Je pense que le plus important est de ne jamais se mettre des barrières. Il faut avoir un œil ouvert et neuf, prendre le temps de rencontrer des personnes et ne pas sous-estimer la force du collectif.

Mécène du Musée des Impressionnismes de Giverny depuis 2011, la Caisse d’Epargne Normandie soutient les acteurs normands de la culture. Berceau de l’impressionnisme, la Normandie est reconnue dans le monde entier pour le travail réalisé par ses grands peintres. Aujourd’hui, de nombreux artistes et professionnels continuent de faire vivre ce courant artistique. En accompagnant au quotidien Mathilde Milot, la Caisse d’Epargne Normandie réaffirme son engagement et sa contribution à l’attractivité de son territoire.

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